Les fleurs

Elle avait toujours aimé les fleurs.
Petite déjà, elle mangeait les pâquerettes et les pissenlits dans le grand jardin de sa maison d’enfance.
Toujours en cachette, pour ne pas se faire prendre.
C’était son petit plaisir coupable. Son secret bien gardé.

Comme quand elle baladait le cheval de sa voisine en longe. Et qu’elle montait sur une pierre haute, à cru.
Encore un plaisir coupable. Mais ses parents le savaient. Ils la laissaient faire.
Elle portait les traces de ces chevauchées sur son pantalon.
Mais revenons-en aux fleurs. Ces fleurs qu’elle aimait tant.
Chez elle, elle avait plein de plantes qu’elle parvenait à garder en vie. Certaines mourraient, parfois. Un désespoir…
Elle avait des plantes, mais ce qu’elle aimait par-dessus tout, c’était les fleurs sèches.
Son grand amour.
Sa maison regorgeait de fleurs sèches et d’herbes sauvages.

Elle achetait des vases, des vases en verres, des vases en terre cuite ou en céramique. Des colorés, des transparents, des bariolés, des plus simples…
Elle en avait tellement qu’elle ne savait plus où les ranger.

Elle n’aimait pas vraiment les bouquets de fleurs coupées. Elle préférait les voir vivantes, dehors. En plein air.
Elle avait d’ailleurs toujours rêvé d’une prairie fleurie dans son jardin. Peut être sèmerait-elle au printemps. Pour fleurir son quotidien et attirer les abeilles dans petites ruches en bois.
Elle pourrait sentir leur odeur et les photographier au coucher du soleil.

Elle aimait les fleurs mais elle ne fleurissait jamais sa tombe.
Elle n’allait d’ailleurs que très rarement au cimetière.
Elle n’aimait pas l’idée de déposer des fleurs sur cette tombe grise.
Elle ne croyait pas qu’on la regardait de là-haut.
Que cela faisait plaisir à cette absence omniprésente.
Ça ne faisait plus plaisir à personne.
Elle préférait regarder le vivant et s’émerveiller.
Pourquoi déposer des fleurs entrain de mourir pour une personne morte ?
Il était trop tard.
Les fleurs, elle préférait les offrir aux vivants.
Elle aurait d’ailleurs aimé en offrir plus, plutôt que les déposer sur cette tombe.
Mais il était trop tard pour les regrets.

Alors elle achetait des fleurs séchées et des vases. Pour elle, pour sa maison.
Pour contrer l’hiver si froid.
Pour ne pas perdre tout l’espoir, dans le brouillard dense.
Et elle se parfumait.
Un parfum subtil et floral, bien entendu.

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