Quand j’avais 16 ans, j’ai reçu un appel alors que j’étais à une fête.
L’appel venait d’un numéro inconnu, il était tard dans la nuit, ou tôt le matin, peu importe.
J’étais un peu éméchée, bien entourée de mes amis et j’ai pris cet appel. Au bout du fil, une voix d’homme me lance “Bonsoir Salomé ! Tout va bien ?”. Un peu perturbée et ne reconnaissant pas la voix, je demande qui est au bout du fil. L’homme me lance, vexé : “Tu ne me reconnais pas ?!”. Je réponds par la négative, perdue.
Il se lance alors dans un jeu d’énigmes, pour me faire deviner qui il est. Mes amis écoutent la conversation, m’aident à chercher qui peut être cette personne, en vain.
Au bout d’un moment, l’homme me dit qu’il s’appelle Romain.
Romain… Ce nom trotte dans ma tête. Non, vraiment, je ne connais qu’un Romain et je sais qu’il ne s’agit pas de lui.
Il me demande si la soirée se déroule bien et si je porte ma robe à fleurs. Surprise, je ne réponds pas. Il me demande si les cours se sont bien passés aujourd’hui et ce que j’écoutais comme musique quand je suis rentrée en bus chez moi.
Le jeu ne m’amuse plus.
Je ne reconnais toujours pas la voix, mais je vois clairement que l’homme me connait, ou du moins, connait mes habitudes.
Mes amis me disent de raccrocher et d’ignorer, ce que je fais pour continuer à profiter de ma soirée, tranquillement.
Romain, ou peu importe son nom, continue à essayer de m’appeler pendant la nuit.
Le lendemain, je rentre chez mon père. La soirée a continué pendant toute la nuit et l’appel est oublié.
Quelques jours passent avant que je ne reçoive un autre appel, je réponds. Je reconnais la voix de l’homme. Il me dit que j’étais très belle aujourd’hui, quand il m’a vu descendre le boulevard. Que mes cheveux courts lui plaisent et que cette robe que je portais m’allais très bien.
Je m’agace, pensant à une blague d’un ami. J’insiste pour connaître la véritable identité de l’appelant, mais je n’ai toujours pas de réponses. L’homme fait mine de se vexer encore une fois que je ne le reconnaisse pas. Cependant, ce jour-là, il me dit s’appeler Rodolphe et non Romain. Je raccroche, plus agacée qu’apeurée.
Une semaine passe, sans que je ne rentre en bus chez mon père, étant à la campagne chez ma mère une semaine sur deux.
Je retourne le dimanche suivant chez mon père et retourne donc au lycée le lundi matin.
Le soir, finissant les cours plus tôt, je rentre en bus. J’ai l’habitude d’écouter de la musique quand je me balade, mais ce jour-là, j’ai oublié mes écouteurs alors je n’en mets pas durant le trajet. J’attends d’être dans la petite route menant chez mon père pour allumer mon portable et mettre “Sweet home Alabama” sur mon portable. Je marche jusqu’à l’appartement en chantant sur la chanson.
Le lendemain, je reçois un appel d’un numéro inconnu, encore une fois. Je décroche et j’entends l’homme me demander si c’était agréable de rentrer en dansant et en chantant sur “Sweet home Alabama” le jour d’avant.
Cette-fois, je n’ai plus envie de rentrer dans son jeu. Je m’agace et lui demande qui il est et s’il peut arrêter de me faire cette stupide blague. Je raccroche quand je l’entends continuer ses devinettes que je ne supporte plus.
Il rappelle, et cette fois, je ne réponds plus. Il insiste mais ce jour-là, je ne répondrai pas.
La semaine chez mon père passe, je pars chez ma mère. Je n’ai plus de nouvelles de l’homme depuis le jour où j’ai arrêté de lui répondre.
Le dimanche, je retourne chez mon père pour aller au lycée le lundi.
La semaine se passe bien et le vendredi, finissant les cours plus tôt, je décide de profiter du soleil et de me balader un peu avant de prendre le bus pour rentrer.
Plus tard, à l’appartement, je reçois un appel. Il s’agit encore de cette homme.
Cette fois, je m’énerve et lui demande une nouvelle fois de dévoiler son identité.
L’homme refusant de me répondre, je raccroche. Il rappelle, je réponds et lui hurle dessus. C’est trop, la blague a assez duré.
Devant ma colère, l’homme cède : il me dit que nous ne nous connaissons pas. Que je ne connais pas son prénom et qu’il ne veut pas que je le sache. Il habite dans le quartier où vit mon père et il m’a vu un jour descendre du bus. Il m’a trouvé belle et a décidé de me suivre, pour savoir où je vivais.
Depuis, il me suit régulièrement, il sait que je suis au lycée, mon prénom, mon adresse, mes horaires de sorties.
Je lui demande comment il a pu avoir les informations… Il ne me dit rien.
Il rajoute que parfois, il prend le même bus que moi, pour pouvoir m’admirer. Qu’il passe souvent près de l’appartement pour voir s’il peut m’apercevoir à une fenêtre.
Il me dit qu’il est plus âgé que moi et que cela n’empêche rien : il est amoureux.
Il refuse toujours de me dévoiler son identité. Il sait que j’aime le rock, que je lis beaucoup, qui sont mes amis. Il sait que mes parents sont divorcés, que je vis ailleurs une semaine sur deux. Il connait mes vêtements, qu’il dit admirer. Il sait que n’ai pas d’amoureux et demande si l’on peut se rencontrer.
Je raccroche, sonnée. Je bloque le numéro de téléphone et décide de ne rien dire à mon père : nous déménageons dans quelques jours à la campagne et je n’aurai plus à revenir dans ce quartier ni dans cet appartement.
De plus, les vacances d’été arrivent à grand pas et je n’irai plus au lycée avant septembre.
Depuis, je n’ai jamais eu de nouvelles de cet homme qui me suivait. Il avait réussi à avoir mon prénom, mon nom, mon adresse ainsi que mon numéro de téléphone et je n’ai jamais su comment…
J’ai voulu m’inspirer de cette histoire qui m’a marquée pour faire cette série de photographies.