L’abandon

Je suis une grande randonneuse, depuis toujours.
J’aime sillonner le territoire à vélo, à cheval, à pieds… Tous les moyens sont bons.

Quand j’ai emménagé à Goujounac, je me rappelle d’une découverte que j’avais adoré : une ferme abandonnée.
Celle-ci se trouvait en plein milieu des bois, seul un chemin passait devant. Elle était grande, en pierres, avec des granges attenantes. Je l’ai visité à plusieurs reprises, malgré les ronces.
J’adorais imaginer la vie des habitants, la vie dans cette forêt de pin et de châtaigniers et parfois, je les enviais : ils avaient pu vivre dans cette jolie maison, y allumer la cheminée pour se réchauffer en grignotant des châtaignes.
Quant à moi, j’habitais une maisonnette impossible à chauffer que je payais le prix fort.

Un autre jour, dans le cadre de mon travail, j’ai rencontré le maire d’un village. Celui-ci m’a confié que dans des bois se trouvaient un ancien moulin à vent, complètement à l’abandon lui aussi. Je me rappelle cette petite boule dans mon ventre quand je le cherchais dans les bois, en vain.
Un randonneur du coin est venu m’aider, mais jamais nous n’avons mis la main dessus. Trop de feuillages, trop de châtaigniers.
J’y retournerai un jour et je le trouverai cette fois, j’en suis sûre.

Etant guide, je fais des visites guidées de Salviac. Là-bas, c’est le château Rouge qui m’impressionne. Un ancien château seigneurial appartenant à un homme sanguinaire. De ce monument, il ne reste que des vieilles pierres et une jolie tour. Tout est en ruine.
Le château est parti en Amérique : les escaliers, les fenêtres, les jolies pierres ont pris le bâteau.

Quand j’étais enfant, des amis à mes parents vivaient dans un moulin. J’adorais cet endroit, au milieu des bois, avec son étang, sa piscine et surtout sa tranquillité.
Je me rappelle m’être dit un jour que je rêverai plus tard d’habiter une si belle maison. C’était la maison de mes rêves.
Il y a peu, en randonnant dans le coin où j’avais grandi, j’ai voulu montrer à mon chéri ce moulin de mon enfance.
Quelle ne fût pas ma surprise de le découvrir inhabité, enseveli dans les ronces et les herbes. La piscine où je me baignais s’était transformée en mare pour les grenouilles. Les toiles d’araignée pendaient aux fenêtres. Le caillebotis qui longeait le petit étant était vermoulu.
Une tristesse m’a envahi. Moi qui rêvait de ce moulin depuis des années, il était entrain de dépérir, laissé à l’abandon.

Sur les hauteurs, entre Cazals et Marminiac, se trouve une ferme elle aussi abandonnée. Elle est magnifique, avec une vue superbe.
C’est une ferme typiquement lotoise, avec son pigeonnier, ses granges, son joli corps de ferme. Pour seuls voisins, elle a le vieux château d’Ondredieu, qui lui aussi a été détruit, à un kilomètre.
C’est une maison comme je les aime, entourée de prés, une jolie vue et pleine de charme. Malheureusement, elle ne profite qu’aux moutons qui s’y abritent et se régalent de l’herbe aux alentours.

Tant de maisons sont vides dans les bourgs alors que nous construisons dans les périphéries des maisons neuves, des lotissements sans charme.
Je suis bien entendu consciente du prix de la pierre, comme on le dit parfois. Je sais également le prix d’une rénovation, tellement plus élevé que de construire du neuf.Pourtant, je ne peux que regretter que les choses ne soient pas autrement.

Pourquoi vouloir à tout prix vendre à un prix exorbitant une grange ou une maison dans un état pitoyable ? Pourquoi la garder et la laisser dépérir plutôt que de la vendre à un prix correct à des passionnés qui pourraient la faire revivre ? Pourquoi garder des biens, s’entêter à vouloir vendre ou louer si cher ?

Je vois sur les sites de ventes et de locations des biens qui sont en vente depuis 5 ans, qui dépérissent petit à petit à force de ne pas être entretenus ni habités. Mais ce qui me surprend, le plus souvent, ce sont les prix qui, eux, ne baissent que très rarement. Pourtant, en 5 ans, surtout sans être habitée, une maison perd indéniablement de sa valeur. Je sais qu’il faut faire du profit… Mais ne serait-il pas nécessaire parfois d’avoir un peu de bon sens ?

C’est suite à cette réflexion que j’ai décidé de photographier ces biens, ces objets, ces animaux, tous abandonnés par l’Homme.
Cette série s’appellera “L’abandon” et j’espère un jour vous la proposer en expositions !

1 réflexion sur « L’abandon »

  1. Bonjour
    L’exode rural est malheureusement, et à mon avis, une volonté politique. Quelle en est la secrete raison ? Certainement une histoire de consommation. Les gens dans ces villages en presque auto suffisance dérangent et coutent en services publics !

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